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IACM-Bulletin du 20 mai 2006

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Science — le cannabis rĂ©duit efficacement les douleurs postopĂ©ratoires

Une Ă©tude multicentrique menĂ©e dans douze centres britanniques a eu pour objet de vĂ©rifier l’efficacitĂ© et l’innocuitĂ© d’un extrait de cannabis en gĂ©lules (cannador) pour traiter les douleurs postopĂ©ratoires. Les teneurs en THC et autres cannabinoĂŻdes des gĂ©lules cannador sont standardisĂ©es. Trois doses uniques (de 5, de 10 et de 15 mg de THC) ont Ă©tĂ© administrĂ©es aux patients ayant dĂ©cidĂ© de suspendre le traitement analgĂ©sique postopĂ©ratoire standard adaptĂ© Ă  chaque patient et Ă  condition qu’un traitement anti-douleur par voie orale leur soit indiquĂ©. Dans le cas oĂč l’extrait de cannabis se montrait insuffisant, les patients pouvaient Ă©galement demander un traitement anti-douleur supplĂ©mentaire.

Les essais avec 5 mg de THC, conduits chez 11 patients, ont Ă©tĂ© suspendus ; tous ont demandĂ© un traitement anti-douleur supplĂ©mentaire moins de six heures aprĂšs la prise de l’extrait de cannabis. Par consĂ©quent, cette dose a Ă©tĂ© jugĂ©e insuffisante. Les essais avec 10 mg de THC ont Ă©tĂ© terminĂ©s dĂšs qu’on a atteint le chiffre de 30 patients. Parmi eux, 50 % (15 patients sur 30) ont eu besoin de mĂ©dicaments supplĂ©mentaires en l’espace de six heures. Les essais avec 15 mg de THC, chez 24 personnes, ont Ă©tĂ© suspendues suite Ă  l’apparition d’importants effets secondaires (hypotension, pĂąleur, ralentissement du pouls) chez le dernier patient. Dans ce groupe, 25 % de personnes(6 patients sur 24) ont eu besoin d’un traitement mĂ©dicamenteux anti-douleur supplĂ©mentaire. Dans l’ensemble, l’intensitĂ© des effets secondaires a Ă©tĂ© gĂ©nĂ©ralement faible. Le patient, chez qui le traitement avait provoquĂ© une baisse de tension et un ralentissement du pouls, n’a pas eu besoin d’un traitement mĂ©dicamenteux et s’est rapidement rĂ©tabli.

Les chercheurs en ont conclu que « le cannador Ă  une dose de 10 mg, Ă©tait le mieux adaptĂ© du fait qu’il a calmĂ© de maniĂšre efficace les douleurs postopĂ©ratoires chez des patients adultes et en bonnes conditions physiques sans provoquer d’effets secondaires sĂ©rieux ou graves. »

(Source : Holdcroft A, Maze M, Dore C, Tebbs S, Thompson S. A multicenter dose-escalation study of the analgesic and adverse effects of an oral cannabis extract (Cannador) for postoperative pain management. Anesthesiology 2006;104(5):1040-1046)

Suite à une forte pression de la part des Etats-Unis, le président Vincente Fox a demandé au congrÚs de remanier la loi, adoptée fin avril, visant la dépénalisation de la possession de petites quantités de certaines drogues.

Lors d’une prise de position du 3 mai, le prĂ©sident Fox a dĂ©clarĂ© qu’il fallait modifier la loi « afin de lever toute ambiguĂŻtĂ© sur le fait que la possession ainsi que la consommation de drogues est et restera un dĂ©lit dans notre pays ». Le 1er mai, des reprĂ©sentants officiels du ministĂšre amĂ©ricain des Affaires Ă©trangĂšres et du service de contrĂŽle des stupĂ©fiants de la maison blanche ont rencontrĂ© l’ambassadeur du Mexique, auquel ils ont fait part de leur inquiĂ©tude concernant cette loi. Ils ont prĂ©tendu qu’elle allait attirer des touristes vers le Mexique dans le seul but d’y consommer des drogues, et que par consĂ©quent, cela entraĂźnerait une augmentation de la consommation de stupĂ©fiants, d’aprĂšs les explications de Tom Riley, porte-parole de l’office fĂ©dĂ©ral chargĂ© de la politique nationale de contrĂŽle sur les drogues.

Le chef de la police nationale du Mexique, Eduard Medina Mora, un des principaux acteurs du premier projet de loi, envoyĂ© au congrĂšs par le prĂ©sident Fox, a expliquĂ© que la loi rendrait en effet illĂ©gal la possession d’une petite quantitĂ© de stupĂ©fiants. Et il a ajoutĂ©, que les personnes arrĂȘtĂ©es qui Ă©taient en possession de telles drogues, devaient encore rĂ©pondre devant un juge et risquaient toujours un certain nombre de sanctions. La loi en vigueur contient une disposition permettant aux personnes inculpĂ©es pour possession de drogue de se justifier en expliquant qu’ils Ă©taient dĂ©pendants et qu’elle Ă©tait destinĂ©e Ă  leur consommation personnelle. Medina Mora a expliquĂ© que cette nouvelle loi fixe une quantitĂ© limite de possession pour chacune des drogues, en dessous de laquelle il Ă©tait possible de se justifier en invoquant une dĂ©pendance.

(Source : New York Times du 3 mai 2006)

Science — la consommation modĂ©rĂ©e de cannabis n’est pas nocive pour le cerveau d’adolescents, selon une Ă©tude basĂ©e sur l’IRM

Des chercheurs de l’Institut Nathan S. Kline, centre de recherche en psychiatrie et de la facultĂ© de mĂ©decine de New York ont Ă©tudiĂ© comparativement le cerveau de 10 personnes ayant consommĂ© rĂ©guliĂšrement du cannabis pendant leur adolescence Ă  celui de 10 personnes d’un groupe tĂ©moin de« non-consommateurs ». Les Ă©tudes ont utilisĂ© la technique IRM. Lors de ces recherches, les chercheurs n’ont pas trouvĂ© « d’indications relatives Ă  une atrophie cĂ©rĂ©brale ou Ă  une perte d’intĂ©gritĂ© de la substance blanche » et ils en ont conclu que « la consommation rĂ©guliĂšre de cannabis ne prĂ©sentait probablement pas d’effet neurotoxique pour le cerveau en cours de dĂ©veloppement normal ».

Les anciens consommateurs de cannabis avaient au moment des tests entre 18 et 27 ans. A l’époque de leur adolescence, leur habitude de consommation se situait entre Ă  2 Ă  3 fois par semaine, pour une durĂ©e de une Ă  plusieurs annĂ©es. Tous avaient arrĂȘtĂ© de consommer du cannabis au moment des tests. Les rĂ©sultats ont Ă©tĂ© comparĂ©s avec ceux obtenus dans le groupe tĂ©moin. Les donnĂ©es collectĂ©es concernaient d’une part le cerveau entier et, d’autre part, certaines rĂ©gions cĂ©rĂ©brales souvent en relation avec des expĂ©riences psychotiques et la mĂ©moire.

Les chercheurs ont dĂ©clarĂ© que « les donnĂ©es obtenues Ă©taient provisoires et qu’elles nĂ©cessitaient d’autres tests impliquant un plus grand nombre de volontaires, bien qu’elles aient une importance pour rejeter l'hypothĂšse selon laquelle le cannabis seul pouvait dĂ©clencher un trouble psychique, tel que la schizophrĂ©nie induite par une lĂ©sion cĂ©rĂ©brale ».

L’article complet peut ĂȘtre tĂ©lĂ©chargĂ© sous http://www.harmreductionjournal.com/content/3/1/17

(Source : Delisi LE, Bertisch HC, Brown K, Majcher M, Bappal A, Szulc KU, Ardekani BA. A preliminary DTI study showing no brain structural change associated with adolescent cannabis use. Harm Reduct J 2006;3(1):17 [publication Ă©lectronique avant impression])

Etats-Unis — la Cour suprĂȘme de l'Oregon donne raison Ă  un employeur ayant licenciĂ© un ouvrier qui consommait du cannabis mĂ©dical

Le 4 mai 2006, la Cour suprĂȘme de l’Oregon a jugĂ© qu’un employeur ayant licenciĂ© un de ses ouvriers, consommateur de cannabis mĂ©dical, n’avait pas agi contre la loi sur les personnes Ă  mobilitĂ© rĂ©duite. Le cas rapportĂ© est celui de Robert Washburn, ajusteur-mĂ©canicien, licenciĂ© suite aux rĂ©sultats positifs lors d’un test de dĂ©pistage de substances illicites. R. Washburn possĂšde une carte officielle, l’autorisant Ă  faire usage de cannabis mĂ©dical pour calmer les spasmes de ses jambes qui l'empĂȘchent de dormir la nuit.

Il consommait le cannabis mĂ©dical chez lui, jamais sur son lieu de travail, ce qui n’a pas empĂȘchĂ© son licenciement en 2001. Un tribunal avait premiĂšrement dĂ©clarĂ© que la loi fĂ©dĂ©rale sur le cannabis mĂ©dical n’impliquait pas le fait que l’employeur " devait en plus ĂȘtre responsable de la consommation de cannabis sur le lieu de travail ». A quoi la cour fĂ©dĂ©rale de l’Oregon avait rĂ©pondu que les rĂ©sultats des tests ne prouvaient pas que R. Washburn ait consommĂ© la drogue pendant son temps de travail. Et puis, la Cour suprĂȘme a proclamĂ© Ă  son tour que le trouble dont souffrait Washburn n’atteignait pas un niveau permettant de considĂ©rer le plaignant comme personne Ă  mobilitĂ© rĂ©duite selon la loi fĂ©dĂ©rale, du fait que la thĂ©rapie Ă  base de mĂ©dicaments administrĂ©e au prĂ©alable l’avait suffisamment soulagĂ© et qu’il n’était donc pas contraint d’utiliser du cannabis mĂ©dical.

(Source : Associated Press du 4 mai 2006)

En bref

France — consommation de cannabis

D’aprĂšs les indications des experts en dĂ©pendance, Astrid Fontaine et Michel Hautefeuille, la consommation de cannabis est en constante augmentation chez des cadres travaillant dans les milieux financiers, Ă©conomiques et dans des sociĂ©tĂ©s privĂ©s. (Source : ANSA du 3 mai 2006)

Science — plaidoyer pour un reclassement

Dans un article phare, le Dr. George Lundberg, Ă©diteur de MedGenMed et professeur en politique de la santĂ© Ă  l’universitĂ© Harvard de Boston a pris position pour un reclassement du cannabis aux Etats-Unis afin de pouvoir l’utiliser Ă  des fins mĂ©dicales : « En pratique, la mise en place de lois irrĂ©alistes relatives Ă  la marijuana a certainement occasionnĂ© plus de dĂ©gĂąts que la marijuana elle-mĂȘme. Et bien qu’elle soit loin d’ĂȘtre inoffensive selon des critĂšres de pathologie ou de toxicologie, la marijuana est significativement moins dangereuse que de nombreuses autres substances, appartenant Ă  des classes moins restrictives, telles que la morphine ou la cocaĂŻne, sans citer les tueurs en sĂ©rie comme le tabac ou l'alcool. Il est Ă©vident que la marijuana possĂšde une utilitĂ© mĂ©dicale prouvĂ©e pour traiter certaines pathologies. Les gens respectent les lois qu’ils tiennent pour justes et utiles mais ils ne respectent pas les lois sur le cannabis parce qu’ils savent qu’elles sont injustes, pour ne pas dire absurdes. » (Source : Lundberg GD. MedGenMed 2005;7(3):47)

Science — ulcùre de l’estomac

Un cannabinoĂŻde synthĂ©tique (ACEA), qui se lie de maniĂšre sĂ©lective aux rĂ©cepteurs CB1, a inhibĂ© la formation d’ulcĂšres de l’estomac chez les rats. L’acide acĂ©tylsalicylique (aspirine) a provoquĂ© des lĂ©sions des muqueuses de l’estomac au cours des trois heures qui ont suivi son administration, qui ont pu ĂȘtre rĂ©duites proportionnellement au dosage du cannabinoĂŻde. L’hypothĂšse Ă©mise est celle de l’effet provoquĂ© par la rĂ©duction des secrĂ©tions d’acide gastrique. (Source : Rutkowska M, et al. Pharmazie 2006;61(4):341-2)