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IACM-Bulletin du 23 février 2004

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Canada — L’image négative du cannabis, drogue illégale, réfrène nombre de patients

La mauvaise réputation stigmatisant la consommation de cannabis réfrène grandement les malades à tirer profit de ses bienfaits médicinaux, selon une étude menée par le docteur Romayne Gallagher, spécialiste des soins palliatifs et professeur à l’université de Colombie Britannique.

Madame Gallagher a dirigé une étude auprès de malades en fin de vie dans des unités de soins palliatifs à Kelowna et Vancouver qui montre que les patients se plaignent que le fait de fumer de la marijuana pourrait endommager leurs poumons, être illégal ou provoquer une dépendance. Ils ont également posé le problème des effets éventuels de la fumée de cannabis sur leurs proches.

La morphine a également mauvaise réputation, ajoute le docteur Gallagher. Bien qu’en fin de vie pour la plupart, les patients se montrent préoccupés par les questions que soulève la consommation de drogue. Bien souvent, leurs craintes reflètent le point de vue des médecins prescrivant ces produits. « Ce qui est frustrant pour les patients, c’est que, face à l’appréhension des médecins, ils se sentent obligés de justifier qu’ils souffrent constamment de douleurs. Un médecin généraliste peut éprouver une gêne certaine à prescrire un opioïde et le patient, de son côté, se sent humilié de devoir justifier continuellement qu’il souffre vraiment. »

L’information du grand public contribuerait à diminuer la mauvaise image qui colle à la peau de l’emploi à des fins médicales du cannabis, propose-t-elle. « Ce que l’enquête m’aura apprise, c’est que nous avons toujours et encore besoin de sensibiliser les gens à propos de ces produits qui fonctionnent très bien. Les malades ayant tiré meilleur profit du cannabis disent que c’est fabuleux, qu’ils jouissent d’une réduction conséquente de la douleur et qu’ils n’éprouvent pas de modifications psychiques gênantes.

Je l’ai utilisé avec des patients, dont la plupart souffre de maladies non cancéreuses dans des situations non palliatives comme la sclérose en plaque. »

(Source : Haley L. Your bias may be keeping pot from pain patients. Medical Post du 3 février 2004, Vol. 40(5))

Allemagne — Le gouvernement fédéral ne tient pas parole sur le cannabis médical.

Dans un courrier en date du 29 janvier 2004, le ministère fédéral de la santé fait savoir à l’association allemande pour le cannabis médical ACM (Arbeitsgemeinschaft Cannabis als Medizin) que «pour le moment», le ministère ne tiens pas à rendre des extraits de cannabis prescriptibles. Les connaissances scientifiques sur les effets du cannabis ne suffisent pas à justifier une telle décision.

Au printemps 1999, le ministère de la santé avait demandé aux institutions compétentes des associations allemandes de pharmaciens de mettre au point une formule d’extrait de cannabis permettant aux pharmaciens de la préparer. A cette époque, les délégués de l’ACM avaient été informés de l’intention du gouvernement fédéral de procéder à des modifications de lois en vue d’autoriser les médecins à prescrire cet extrait. Un tel extrait pourrait être disponible dès l’automne 2001.

Dans une publication commune rédigée par un représentant de l’union des médecins et le ministère de la santé dans le bulletin des médecins allemands, le journal allemand des pharmaciens, le journal pharmaceutique allemand d’avril 2001, la position du ministère de la santé a été annoncée aux professionnels de la santé ; position selon laquelle « le rééchelonnement d’un extrait de cannabis au niveau 3 de la lois sur les narcotiques était en préparation ». Le projet fut à nouveau confirmé dans une lettre du ministère fédéral de la santé datée du 28 septembre 2003 et adressée à la commission parlementaire des pétitions du Bundestag.

Après un certain retard, les associations de pharmaciens ont rendu leurs copies à l’été 2003. Le ministère fédéral écrit à présent que la formule d’extrait a été « transmise aux services compétents » oubliant qu’il en était l’instigateur. Au lieu de procéder aux modifications de lois nécessaires, le gouvernement fédéral « poursuit avec soin l’étude des contributions scientifiques tendant à démontrer l’efficacité thérapeutique de l’extrait de cannabis ».

Le président de l’ACM, Dr. Franjo Grotenhermen, a qualifié cette attitude de « tromperie à l’égard du public, de parole non tenue ». Les raisons invoquées sont assez faibles, suscitent des interrogations et teintées d’un « langage bureaucratique particulièrement froid». « Le gouvernement fédéral est confronté à des difficultés politiques et essaye visiblement d’éviter une cible potentielle d’attaques, le tout sur le dos des patients ».

Science — Les effets du cannabis sur les performances de conduite est lié à la dose

Les causes d’accidents ont été analysées dans une étude australienne sur 3398 conducteurs mortellement blessés. Tandis que les conducteurs avec des concentrations faibles de THC dans le sang présentent une probabilité de causer un accident plus faible que les conducteurs non drogués, des concentrations élevées de THC sont liées avec un ratio de responsabilité considérablement élevé.

Pour tous les conducteurs n’ayant que du THC dans le sang, le ratio de comparaison relative (odds ratio, OR) de causer un accident comparé aux conducteurs non drogués est de 2,7 (ce qui veut dire 2,7 fois plus). Pour les conducteurs avec plus de 5 ng/ml de THC dans le sang, l’OR s’élève à 6,6. Cependant, le ratio de responsabilité pour les conducteurs avec 5 ng/ml ou moins dans le sang est inférieur à celui des conducteurs non drogués. « Non drogué » signifie qu’aucune drogue légale (alcool, drogues médicales) ou illégale n’a été trouvée.

Le ratio de responsabilité des conducteurs avec une concentration d’alcool dans le sang au dessus de 0.05% était 3 fois supérieur que celui du groupe n’ayant que du THC. L’OR pour les conducteurs avec THC et alcool comparé au groupe n’ayant que du THC était de 2,9, laissant supposer un effet multiplicateur du THC et de l’alcool combinés sur la dégradation des performances de conduite.

Les conducteurs âgés de plus de 60 ans et ceux en dessous de 25 présentent un risque de responsabilité plus élevé que ceux de la tranche 30-59. Pour les premiers, il peut s’agir d’une diminution des réflexes psychomoteurs et pour les derniers d’un manque d’expérience et d’une prise de risque déconsidérée. L’OR pour les conducteurs de la tranche 18-25 comparé à celle des 30-39 est de 1,7. Celui des conducteurs au-dessus de 60 comparé à cette même tranche de 30-39 est de 2,2.

(Sources : Drummer O, et al. The involvement of drugs in drivers of motor vehicles killed in Australian road traffic crashes. Accid Anal Prev 2004;36(2):239-48; communication personnelle d’Olaf Drummer)

En bref

Espagne — Enquête sur l’usage médical du cannabis

Les services publics de santé d’Andalousie mènent une enquête sur l’usage de cannabinoïdes en Espagne. Questionnaire disponible sur le site de l’IACM :

http://www.cannabis-med.org/spanish/nav/home-patients.htm

Suisse — Médecins acquittés

Le tribunal de Neuenburg a acquitté 5 médecins ayant prescrit du cannabis à leurs patients afin de diminuer leurs douleurs. Selon l’avis du tribunal, les médecins n’avaient pas pour intention d’être hors la loi mais voulaient soulager les douleurs de leurs patients. L’état d’urgence sous lequel les accusés ont agi seuls a justifié l’acquittement, indique le tribunal. (Source : Tagesanzeiger du 3 février 2004)

Royaume-Uni — un médecin a acheté du cannabis pour un patient

Une commission médicale a été informée le 2 février qu’un médecin a acheté du cannabis à un de ses patients pour le fournir à un autre, souffrant d’un cancer en phase terminale. Le médecin a reconnu avoir par deux fois fourni la drogue à une femme de 56 ans souffrant d’un lymphome. Subissant une chimiothérapie et une radiothérapie, la patiente a préféré les interrompre lorsqu’elle a appris qu’elle ne pourrait guérir. (Source : Daily Telegramm du 3 février 2004)

Science — Douleurs et VIH

L’agence de presse Reuters a rapporté une étude sur le cannabis et les neuropathies chez 16 malades du VIH, présentée à la 11ème conférence annuelle sur les rétrovirus qui s’est tenue à San Francisco du 8 au 11 février. Chez douze patients la réduction de la douleur a atteint 30%. Les rapports de l’enquête menée par Donald Abrams et ses collègues (« The effect of smoked cannabis in painful peripheral neuropathy and cancer pain refractory to opioids ») avaient déjà été présentés à la conférence de l’IACM à Cologne en septembre 2003 et sont disponibles à l’adresse http://www.cannabis-med.org/studies/study.php

(Source : Reuters du 12 février 2004)

Etats-Unis — Oakland

La ville d’Oakland en Californie va délivrer des licences commerciales à 4 distributeurs de cannabis médical et contraindre 8 autres à fermer boutique. Au 1er juin, les clubs de marijuana médicale, qui mènent leur activité sous couvert de la loi d’état sur la marijuana (proposition 215), devront avoir postulé pour une telle licence. Quatre d’entre eux seront finalement retenus. (Source : San Francisco Chronicle du 5 février 2004)

Science — Psychoses

Une analyse de la littérature concernant les rapports entre le cannabis et les psychoses a été menée par des chercheurs britanniques. Cinq études sont incluses dans cette analyse. Il en ressort que l’usage de cannabis est associé à un doublement du risque relatif de développer une schizophrénie. Les chercheurs supposent que l’arrêt de la consommation de cannabis pourrait réduire le risque de schizophrénie d’approximativement 8%, « dans l’hypothèse d’une relation causale ». En outre, l’usage de cannabis « n’apparaît être ni une condition nécessaire, ni une condition suffisante pour les psychoses ». (Source : Arseneault L. et coll. Br J Psychiatry. 2004 Feb.184(2) :110-117)

Etats-Unis — Nourriture à base de chanvre

Le 6 Février, l’agence fédérale des drogues DEA (Drug Enforcement Administration) a perdu la bataille qu’elle menait pour l’interdiction des aliments à base de graines chanvre tel que l’huile de chanvre, à concentration très faible en THC. Une court d’appel de San Francisco a estimé que la DEA n’est pas compétente pour la réglementation de ces aliments puisqu’il ne s’agit pas de drogues. Le DEA, quant à lui, défend que toutes les substances contenant du THC sont des drogues illégales. (Source : communiqué de presse du 6 février 2004, Hemp Industries Association)